Porter l’objectif dans la plaie

#Dysturb est un projet qui porte bien son nom: sensibiliser le public, voire le déstabiliser, en affichant dans la rue des photos boudées par la presse. L’initiative des deux photojournalistes Pierre Terdjman et Benjamin Girette tient du street art et du militantisme de rue. Leurs images étalées en 4 par 3 sont déployées à Perpignan, à l’occasion du festival Visa pour l’Image.

#dysturb

Ce sont des dizaines de réfugiés qui s’entassent sur un camion au milieu d’un désert aride. Deux enfants amputés d’une jambe se promenant le long d’une route vers un avenir incertain. Un corps enroulé dans un tapis, abandonné dans les hautes herbes qui bordent le site du crash du MH370. En quelques jours, les murs de Perpignan se sont recouverts d’images fortes, parlantes, rares.

Le collectif Dysturb a déjà fait ses premières armes à Paris ou à Sarajevo. Là, c’est sous les yeux de la profession que viennent s’étaler ces photos oubliées, comme une exposition complémentaire de Visa pour l’image. Comme pour porter la photo au plus proche des Perpignanais. Alors que les photos peinent à atteindre le lectorat, les photographes testent un nouveau medium, direct, efficace: c’est bien le besoin de gagner en visibilité qui a mené Pierre Terdjman et Benjamin Girette à réfléchir à ce projet.

Benjamin Girette (dans le magazine Polka):

« Quand on part en reportage, on flippe, on s’épuise sur le terrain pour finalement vendre une seule photo sur un quart de page. »

Le collectif a déjà collaboré avec 37 photojournalistes, qui n’en retirent que l’envie de poursuivre leur collaboration. L’actualité de 25 pays a été traitée. La plupart du temps, les collages se font de nuit, à la sauvage. En Yougoslavie, les photographes ont dû opérer de jour faute de temps, et parlementer avec les policiers.  Benjamin Girette est conscient que ces risques demandent un peu d’organisation:

 « D’un pays à l’autre, les risques et les législations ne sont pas identiques. »

L’objectif, à terme, est de coordonner des équipes de colleurs tout autour du globe, ce qui permettrait de réagir partout simultanément sur des cas d’actu chaude. Aujourd’hui, des délégations existent à Sarajevo, Lyon, Bruxelles, Londres, La Réunion… C’est Pierre Terdjman qui contrôlera ce petit réseau de serial colleurs depuis Paris.

Pour Pierre Terdjman (aux Inrockuptibles), « on se rend compte que la rue, c’est le meilleur vecteur de nos photos. » Mais Laurent Van Der Stockt, un photographe qui participe à l’opération, va plus loin:

« Ce format recrée une présence physique dans un monde virtualisé. »

Bref, on sort de chez soi et on se prend l’actualité en pleine poire, qu’on le veuille ou non.

Pour l’instant, l’opération est financée sur les deniers personnels des deux photojournalistes. Il faut compter 300 euros pour une dizaine d’affiches. Pour les co-créateurs, ce projet est une mission (Benjamin Girette à RFI):

« On a une obligation de résultat car on s’est engagés vis à vis des gens qu’on a photographiés. On leur a demandé de nous faire confiance. Et on ne peut pas se permettre de dire qu’on a fait notre boulot parce qu’on a vendu un quart de pages. Cela ne suffit pas. »

L’un des aspects qui séduit ces photographes-colleurs, c’est l’interaction que produisent les séances de collage avec les passants. Pour eux, c’est important. Et le duo ne compte pas s’arrêter là, il bouillonne de projets. Parmi eux figure un atelier éducatif à l’école, pour sensibiliser les enfants au photojournalisme. Plus tard, sera mis en place « Dysturb by… ou la possibilité de laisser une personnalité choisir et promouvoir les images de son choix.

Reste le nerf de la guerre. Les photographes espèrent réunir des fonds grâce au financement participatif, créer des parrainages avec les institutions, chercher un généreux mécène… rien n’est écarté pour faire vivre ce rêve sur la durée. Pour ce qui est du collage à Perpignan, il représente 30 photos imprimées sur ce papier en 4 par 3. L’Unicef, séduite, a décidé d’en prendre 5 à sa charge.

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